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Vieux 13/06/2011, 11h14
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Par défaut Fouroulou à New York !

Fouroulou à New York !

Le fils du pauvre, traduit en anglais.

http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=30680


Lucy McNair réside à New York depuis 1996. Après des études aux États-Unis puis en Allemagne, elle passe 7 ans en France où elle obtient une maîtrise de traduction des textes d’auteurs maghrébins à l’université de Paris VIII. C’est là qu’elle découvre l’œuvre de Feraoun. Actuellement, elle prépare une thèse de doctorat en littérature comparée à City University of New York ayant pour thème “Le fils du pauvre, traduction et commentaire”.



Liberté : Comment vous est venue l’idée de traduire une œuvre comme Le fils du pauvre et pourquoi Feraoun ?

Lucy McNair : James Le Seuer, professeur d’histoire à l’université de Nebraska et spécialiste du colonialisme français, a proposé à la presse universitaire de Virginie ce projet de traduction à la suite de la publication de la version anglaise du Journal de Feraoun, qu’il a lui-même édité pour la presse universitaire de Nebraska en 2001.

Le Journal a été très bien reçu dans les milieux universitaires.
Le projet du roman traînait déjà pas mal de temps lorsque j’ai contacté la presse universitaire.
Je venais de publier un extrait du roman dans le journal Sites ; en cherchant les droits de traduction, j’ai découvert que la presse universitaire en Virginie les a achetés.
C’était bien évident pour tous ceux qui sont concerné par l’histoire de l’Algérie ou l’histoire de la France colonialiste, que le livre mérite d’être traduit depuis longtemps.
C’est un livre accessible et sincère qui donne une vision du monde kabyle à un moment-clé de l’histoire contemporaine et dans ce contexte, il peut devenir un livre de référence pour les cours universitaires de littérature mondiale.
La presse universitaire a donc accepté mon travail et j’ai commencé à traduire le livre en septembre 2002.

Autre chose importante, Jim a proposé que je traduise le manuscrit original du livre, c’est-à-dire le livre comme il a été écrit et publié par Feraoun lui-même en 1950, et non pas le livre qui a été substantivement édité et abrégé par les éditions du Seuil et oublié en métropole en 1954.

Vu que l’éditeur le Seuil a demandé à Feraoun de supprimer le dernier chapitre qui s’intitule tout simplement “La Guerre”. Cette partie qu’on trouve plus tard dans la critique sociale et politique du Journal de Feraoun, ce chapitre a été réintroduit dans son livre posthume, L’Anniversaire, l’idée d’offrir une traduction de l’original nous a parue comme une opportunité irrésistible de réexaminer la vision humaniste et kabyle de cet homme si humble et si lucide.



Quand est-ce que vous avez découvert pour la première fois l’œuvre de Feraoun et comment ?

J’ai fait mes études aux États-Unis et en Allemagne où je me suis spécialisée dans la littérature allemande du xxe siècle et où je me suis intéressée à la vie des immigrés et des réfugiés politiques.

Lorsque je me suis installée à Paris en 1989, je ne parlais pas la langue française et je n’avais qu’un titre de séjour touristique. J’étais donc illégale, pendant plus qu’un an.
Installée à Montreuil, dans la banlieue proche de Paris, où je voyais tous les jours, en sortant du métro, des gens nord-africains contrôlés par la police pendant qu’ils me laissaient passer, jeune femme blanche sans papiers que j’étais, qu’avec des sourires.
J’ai eu du mal à me mettre à apprendre le français, à me situer dans une société à la fois férocement républicaine et impérieusement raciste.
J’ai rencontré un peintre marocain, Yamou, qui m’a offert un livre de poésie de Tahar Ben Jelloun. Je me suis inscrite à l’université de Paris VIII où j’ai préparé une maîtrise de traduction des textes maghrébins. En cherchant des livres, j’ai vite trouvé celui de Feraoun.


Comment appréciez-vous l’œuvre littéraire de cet écrivain, et particulièrement le roman que vous venez de traduire ?

Dans ses lettres et dans le manuscrit original, Feraoun explique que l’idée d’écrire l’histoire d’un petit Kabyle, l’histoire de lui-même, de sa famille, de son village, de ses espoirs et ses leçons de l’humilité, lui est venue de Roblès, de Camus et de l’exemple des auteurs français qu’il a rencontrés ou lus à l’école normale de Bouzaréah à Alger.

Si d’autres gens comme ceux-ci donnent l’expression à la vie intérieure, à la lutte humaine d’un peuple, pourquoi pas lui, pourquoi pas les Kabyles ?

Une chose est certaine, aucun Européen ne le fera à leur place. Sa conscience de l’importance de la littérature comme moyen d’exister à part entière parmi les peuples de la terre et sa conscience aussi des limites du travail intellectuel ou littéraire, des inégalités insurmontables, de l’indifférence générale surtout dans une situation de guerre, est la double donne de ce roman.
Feraoun se sentait responsable, de par son parcours, de témoigner.

Dans le roman, il entretient une vision à la fois globale et locale occidentale et kabyle, et introduit entre les deux une ironie douce, un espoir sobre, un œil rigoureusement humain.
Cela est présent dans l’histoire de son père, de sa tante, de Tankout, cet entrepôt de l’enfer pendant la guerre. J’ai du respect pour Feraoun. C’était un homme de cœur et d’esprit.



Comment est perçu Feraoun, le romancier, chez les américains ?

Il n’est pas connu. Ce roman est le premier à être traduit en anglais. Comme je l’ai dit plus haut, la traduction du journal de Feraoun a été bien reçue, mai surtout dans le milieu universitaire. On espère que cette traduction l’introduirait à un public plus général.



Avez-vous rencontré des difficultés dans la traduction du Fils du pauvre étant donné que ça parle de la société kabyle, étrangère pour vous ?

Peu de difficultés en fait. Feraoun écrit pour un public large aussi bien que pour sa famille. C’est donc un livre ouvert à l’extérieur, mais quand même, j’ai trouvé des confusions.

Par exemple : où se trouve le kanoun exactement. Ce qui pose la question de la maison, de l’environnement. Comment faire vivre l’image de Tizi Hibel pour un public qui n’a jamais vu un village kabyle.
J’ai lancé un appel d’aide sur le web et un Kabyle, immigrant aux États-Unis vivant à Indiana, m’a répondu.
Ce monsieur, instituteur lui-même, Mohamed Bacha, m’a expliqué la source des mots amazighs et m’a aidée à “voir” l’environnement du village.

Autre chose, le manuscrit original n’a pas été édité. L’emploi des temps verbaux n’est pas uniforme : certaines phrases sont formulées d’une manières réduite ou compacte.

Malgré l’érudition évidente de Feraoun, son style classique, j’ai pu entendre dans ce roman le français kabyle comme il est parlé au Bar des sports de Montreuil, par exemple, où un ami Hafid lisait sa poésie.
J’ai dû chercher un équilibre pour garder ces deux qualités de l’original en anglais, et l’anglais, pour cette raison, garde parfois l’impression de l’étrangeté.


En lisant ce roman, quel regard avez-vous sur la société kabyle ?

Fière, pauvre, incroyablement débrouillarde, une société de manque où chaque morceau de viande est compté et chaque relation est codifiée. La Kabylie des années 1930, 1940.

J’ai été impressionnée par la soumission catégorique des femmes à l’autorité mâle et en contrepartie le pouvoir de la grand-mère, de la tante, des personnalités féminines, souvent poussées par le manque à veiller sur la survie des leurs.
Pour moi, ce roman va de paire avec l’étude de Pierre Bourdieu, qui a été d’ailleurs un amis de Feraoun.


M. S. B.
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