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Vieux 13/06/2011, 21h39
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Par défaut La vérité sur L’étranger d’Albert Camus

La vérité sur L’étranger d’Albert Camus
Le coauteur Stefan Zweig



Depuis sa publication en juin 1942, la recherche sur L’étranger et son auteur n’a pu lever le voile sur le mystère qui plane de bout en bout de cet ouvrage. Les chercheurs nombreux de par le monde restent jusqu’à ce jour perplexes devant son étrangeté. Sartre lui-même à l’œil pourtant perspicace et sévère a abdiqué devant l’impossibilité de dire si ce livre est un roman ou quelque chose d’autre lui ressemblant et d’inqualifiable.


En effet, si L’étranger d’Albert Camus a été considéré comme le roman de tous les temps, il demeure néanmoins, plus de 60 ans après sa publication, une énigme. D’où le génie d’une grande œuvre.
Ce petit livre qui dit en toute simplicité les choses fait pourtant buter le lecteur contre un mur (ou une vitre selon Sartre) quant à sa compréhension. Non seulement cela, mais Albert Camus lui-même est devenu une énigme, suite à la publication de son livre.
En effet, au fil des mois et des ans, l’auteur plonge dans un malaise grandissant, atteignant la dépression, alors que tout lui souriait. Un état incompréhensible, d’autant plus que son premier roman l’avait propulsé sous les feux de la rampe, au-devant de la scène internationale, faisant des conférences jusqu’aux Etats-Unis.
Devenu la « coqueluche » des cercles mondains, lui le jeune pied-noir, la veille à peine encore un inconnu du reste du monde, si ce n’est une petite célébrité sur la place d’Alger. On a tout expliqué de la souffrance de l’homme, par rapport à son enfance pauvre, par rapport à sa maladie, la tuberculose, par rapport à la question algérienne, par rapport à cette histoire du communisme qui lui fit prendre conscience qu’il avait si peu d’amis, par rapport à la jalousie et à la haine, par rapport à toutes les raisons possibles et imaginaires, qu’il nous semblait impossible que ces raisons-là aussi nobles soient - elles, puissent susciter tout au long de la vie d’un homme un si profond malaise.
Ce qui revient à dire que nous étions convaincus que la raison du malaise se trouvait ailleurs.
D’autant plus que la panique qui s’en prit de lui à l’annonce du prix Nobel (1957) est des plus troublantes (voir les carnets).
Et Albert Camus qui ne trouve rien d’autres comme thème pour ses conférences de Stockholm que Le mensonge dans l’art ! et lançant à l’assistance « Cette récompense dépasse mes mérites personnels ».
Le malaise se trouvait effectivement ailleurs.

Après une longue prospection, nous avons découvert qu’Albert Camus avait un secret en rapport avec son roman L’étranger, qui engendra une grande souffrance à son auteur.

Une souffrance d’autant plus atroce qu’elle l’arrachait des êtres vivants pour ne le laisser dépendre que d’un mort : Stefan Zweig.

Qu’a donc de commun, cet écrivain juif autrichien avec l’écrivain « franco-algérien », tant ils vivaient aux antipodes, et tant apparemment rien ne les reliait, et tant il est quasiment sûr qu’ils ne se connaissaient pas, si ce n’est peut être par œuvres interposées ?
Et comment en sommes-nous arrivés à relier les deux hommes, et à expliquer le malaise de l’un et le suicide de l’autre pour une seule et même raison ?


Camus le Joueur d’échecs

Lisant et relisant L’étranger, une multitude de fois, nous avions cette intuition impossible à expliquer (et une intuition n’a rien de scientifique) que l’écriture de l’ouvrage avait une relation quelconque avec le jeu d’échecs.
Le chiffre 64, le mouchoir à carreaux de Pérez, le chiffre 8 qui revient à maintes reprises, le noir et aussi le blanc (mais ces deux couleurs ne confirmaient rien, car le rouge et le vert faussaient la solution), néanmoins tout cela, pas grand-chose peut-être, mais il y avait aussi nos intuitions, fixèrent une bonne fois pour toutes dans notre esprit que la solution à ce problème de L’étranger, à ce jour non résolu, se trouve dans le jeu d’échecs et rien de plus.

A ce niveau, il faut noter que Morvan Levesque à travers son ouvrage Camus par lui-même (1963) soulève cette idée du jeu dans L’étranger mais malheureusement sans aller plus loin. Il écrit en effet : « C’est un jeu et ce n’est pas un jeu » (p 44)

Cette question de Camus Joueur d’échecs et qu’éventuellement il aurait construit son roman à partir de la technique de ce jeu devenait obsédante, il fallait donc l’élucider.

Mais comment ? Dans aucun livre ni biographie consacrés à l’auteur, il n’est fait référence à un Albert Camus Joueur d’échecs.
Du football et un peu de belotte, voilà ce que nous avons trouvé (sauf erreur de notre part).
Nous étions prêts à renoncer, car nous n’avions nous-mêmes aucune connaissance du jeu d’échecs, donc pas moyen de vérifier quoi que ce soit si ce n’est de nous y mettre.
A la recherche d’un manuel qui nous expliquerait les règles du jeu d’échecs, nous sommes tombés par le plus grand des hasards sur un petit livre intitulé Le Joueur d’échecs, une nouvelle de Stefan Zweig, un écrivain autrichien. Le hasard ne favorise que les esprits préparés. En effet !


Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig
Il y a dans cette œuvre (ou plutôt dans ce chef-d’œuvre) de Zweig un état de fait : L’étranger de Camus n’est en rien étranger à L’étranger, le héros Joueur d’échecs de Stefan Zweig.
Mais comment l’expliquer ?
Nous étions dans une situation inconfortable, car personne jusque-là n’avait jamais parlé de Camus affectionnant le jeu d’échecs, ni de Zweig ayant une quelconque relation avec Camus.
Et Camus lui-même n’ayant jamais fait la moindre allusion à Stefan Zweig (sauf erreur de notre part).
Mais le fait était là, les deux histoires qui apparemment ne se ressemblent en rien ont pourtant quelque chose en commun : le jeu d’échecs.
L’une d’elles (celle de Zweig) se déroule autour d’un échiquier, mais pour L’étranger de Camus sur quoi s’appuyer pour le dire ? Les intuitions n’aident en rien.
Et l’on pourrait avancer cette phrase terrible de Meursault qui revient moult fois dans le roman « Cela ne veut rien dire ».

Et pourtant il y a le prisonnier qui s’interroge dans sa cellule. L’étranger, héros de Zweig s’interroge dans sa cellule, Meursault fait de même lorsqu’il se retrouve prisonnier après sa condamnation.

Ensuite, l’interversion du jour et de la nuit. Dans sa cellule, L’étranger de Zweig intervertit le jour et la nuit. Meursault en fera de même lorsqu’il sera dans sa cellule.
De ce fait une question devint incontournable : Albert Camus avait-il en mains Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig au moment de l’écriture de L’étranger ? Camus ne pouvait pas avoir eu en mains cette nouvelle de Stefan Zweig, pour la simple et bonne raison que selon les spécialistes de Zweig (très peu nombreux en France d’ailleurs), ce dernier l’aurait écrite en 1941 et au Brésil, où il vécut quelques mois après son exil, et où il se suicida le 22 février 1942.

Trop peu de temps nous semble-t-il pour écrire une nouvelle ayant pour thème central un jeu aussi difficile. Et l’état dépressif dans lequel se trouvait Zweig, à la suite du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale qu’il ne supporta pas, d’autant plus qu’il était juif, persécuté par les nazis, son œuvre brûlée et interdit d’écriture, ce qui fut la cause de son exil au Brésil, ne prédisposait pas à la créativité.

Mais à penser que si cette nouvelle fut publiée à titre posthume en 1943, traduite en français et publiée en France en 1944. L’étranger d’Albert Camus a été publié à Paris en juin 1942.

Donc tout cela ne concorde pas pour affirmer que Camus en écrivant L’étranger avait sous les yeux Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig. Pourtant tout porte à croire que si.
Poursuivant notre prospection, passant en revue la vie de l’un et de l’autre, nous apprîmes alors que Albert Camus fut invité en 1949 à faire une série de conférences au Brésil.
Albert Camus refusa d’abord le voyage, puis se ravisa et accepta. Dans ses carnets, il note : « Ce voyage dont je ne voulais pas ».
Pourquoi Camus ne voulait-il pas de ce voyage ? On pourrait répondre : une question d’humeur voilà tout. Il était libre de ses désirs même s’il était au service de l’art.
N’oublions pas que le Brésil est un pays lointain, et Albert Camus était de santé fragile. Pourtant, dirait-on, il venait de sillonner l’Amérique du Nord, et son journal témoigne du plaisir qu’il tira de ce voyage. Raison de plus, l’Amérique c’est trop loin. Même s’il en a tiré du plaisir, pas question de recommencer.

Finalement, notre auteur ne voulait pas de ce voyage pour des raisons qui ne regardent que lui. Mais ce n’est pas si simple, ici il y va du devenir de 60 ans de recherche sur Albert Camus et son œuvre, et ceci n’est pas rien. Mais lorsque l’on sait que durant son séjour à Rio, Camus a eu un comportement des plus déroutants, « en pleine débâcle psychologique » comme il l’écrit lui-même, au bord du suicide, écrit deux fois dans ses carnets, on comprend dès lors que la souffrance de Camus ne pouvait qu’être en relation avec le mort enterré à 80 km de Rio, exactement à Petropolis, Stefan Zweig.




A suivre
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Et l’on comprend dès lors que Camus ne voulait pas de ce voyage au Brésil parce qu’il ne voulait pas de cette rencontre « posthume » « avec cet ami mort sans savoir » (Les carnets) Il ne restait plus qu’à poursuivre la prospection de manière à confirmer ou infirmer cette hypothèse, qui est de savoir si oui ou non Camus avait entre les mains Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig.

Et comment cela se pouvait-il puisque cette nouvelle a été publiée à titre posthume, soit deux ans après la publication de L’étranger de Camus ? Dans le but d’une objectivité sans failles, nous avons lu l’ensemble de l’œuvre de Zweig, celle traduite en français.

Quatre nouvelles ont retenu notre attention.
Les trois premières ont été regroupées en un seul volume intitulé Amok, la quatrième Vingt quatre heures de la vie d’une femme, a été publiée à part, selon la volonté de son auteur.

Amok, recueil de trois nouvelles a été écrit par Zweig au début du XXe siècle et publié en langue française à Paris, en 1927. Les trois nouvelles dont il s’agit sont : Amok ou le fou de Malaisie, Lettre d’une inconnue et Ruelle au clair de lune.
Dans ces quatre nouvelles, Zweig adopte « une forme, celle qui s’apparente au récit dans le récit » (Romain Roland). Camus n’a pas fait autre chose dans L’étranger. Ceci pour ne pas dire qu’il a fait la même chose.




Dans cette nouvelle, comme dans Le joueur d’échecs, le narrateur est un étranger. Il fera beaucoup de choses en similitude avec Meursault.



Nous retrouvons dans Amok ou Le fou de Malaisie, comme ce fut le cas dans Le joueur d’échecs, l’interversion du jour et de la nuit.
- « Finalement, j’intervertis résolument l’ordre des temps et je descendis dans la cabine dès l’après-midi, après m’être étourdi avec quelques verres de bière, afin de pouvoir dormir pendant que les autres dînaient et dansaient. » (Zweig p.27)
L’Etranger de Zweig restait donc éveillé la nuit et dormait le jour. Lorsqu’il se réveillait, il guettait le bruit. Meursault dit la même chose dans L’Etranger : « C’est pourquoi, j’ai fini par ne plus dormir qu’un peu dans mes journées et, tout le long de mes nuits, j’ai attendu patiemment que la lumière naisse sur la vitre du ciel... » (Camus p172) Il est fort probable (pour une question de date) que Camus ait fait l’emprunt de Amok ou le fou de Malaisie, plutôt que de la nouvelle Le joueur d’échecs.

Mais cela ne nous empêche pas de maintenir la suspision selon laquelle Camus aurait eu en sa possession la dernière nouvelle de Zweig et l’aurait utilisée dans la construction de L’Etranger.

Nous verrons plus loin pourquoi. C’est ensuite la répétition d’un mot dans la même phrase.

L’Etranger de Zweig dit ou plutôt a le même malin plaisir de répéter plusieurs fois le même mot tout comme Céleste l’un des amis de Meursault : L’Etranger de Zweig :
- « Trois fois il redit la phrase. Cette façon sourde et obtuse de répéter les choses me fit frissonner : Le devoir... de montrer quelque bonne volonté... Le devoir d’essayer... Vous pensez donc, vous aussi, qu’on a quelque devoir... Qu’on a le devoir d’offrir sa bonne volonté.. » (Zweig p.36) Céleste dans L’Etranger de Camus :
- « Pour moi, c’est un malheur. Un malheur. Un malheur, tout le monde sait ce que sait, ça vous laisse sans défense. Et bien ! pour moi c’est un malheur. » (Camus p.142) Il y a enfin le cercueil de la morte. Le premier chapitre de L’Etranger est consacré au décès et à l’enterrement de la mère.
Si la nouvelle de Zweig ne commence pas avec le cercueil, c’est avec lui qu’elle se termine. Ce dernier lui donne cette note finale, lugubre et des plus inattendues : le cercueil qui s’ouvre et le cadavre qui tombe dans l’eau.
Une « chute » impressionnante qui rappelle le bruit que fait le corps de la femme en tombant dans l’eau. Histoire racontée par Clamence dans La chute d’Albert Camus. Il y a ici emprunt et nous verrons plus loin que dans Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Zweig, cette histoire de la femme qui se jette d’un pont est exactement racontée de la même manière par les deux auteurs.
Mais revenons à ce cercueil afin de rappeler cette phrase écrite par Camus dans l’avion qui le ramenait de Rio vers Paris et qui laissa les camusiens médusés : « Le voyage se termine dans un cercueil métallique entre un médecin fou et un diplomate » (les carnets).

Dans Amok ou le fou de Malaisie, un médecin fou qui avait refusé de pratiquer l’avortement sur une femme, qui mourut des suites de cet acte pratiqué par quelqu’un d’autre et dans de mauvaises conditions se retrouve dans un bateau en partance pour l’Angleterre.

C’est avec effroi qu’il découvre que le cercueil de la morte ainsi que le mari de la défunte, qui est diplomate, sont aussi du voyage. Une nuit, alors que le bateau accoste à Naples, les marins transbordent un drôle d’engin, le cercueil...
Soudain, ce dernier s’ouvre et le cadavre de la femme tombe dans l’eau. C’est la chute ( !) Il n’y a aucun doute, en écrivant cette phrase, au retour du Brésil, Camus nommait clairement la nouvelle de Zweig, Amok ou le fou de Malaisie.


A suivre
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Ruelle au clair de lune

Un navire accoste dans une ville, un étranger descend. « Il doit attendre en un lieu étranger... Il se sentait ici étranger ».
Il assassine une prostituée.
Cette femme est tuée avec un couteau.

Regardons de près ce qu’écrit Zweig : « Un éclat de métal brilla dans sa main : je ne pus distinguer de loin si c’était de l’argent ou bien le couteau qui, au clair de lune, luisait perfidement entre ses doigts. » (p.187)

Voyons à présent ce qu’écrit Camus : « L’Arabe a tiré son couteau qu’il m’a présenté au soleil. La lumière a giclé sur l’acier et c’était comme une longue lame étincelante qui m’atteignait au front. » (p 61 à 62) Chez Zweig, c’est le clair de lune qui reflète sur le couteau. Chez Camus, c’est le soleil.



Lettre d’une inconnue

C’est l’histoire d’une femme qui, à un moment donné de sa vie, a une relation amoureuse passagère avec un homme. Elle se retrouve enceinte et garde le secret.
Quelques années plus tard, cet homme reçoit une lettre volumineuse. Intrigué, il l’ouvre et se met à lire.
C’est une confession.

Rappelons que La chute de Camus est aussi une confession. Cette lettre commence par : « Mon enfant est mort hier... » L’Etranger de Camus commence par cette phrase qui a ému le monde entier : « Aujourd’hui maman est morte ».
« Cela ne veut rien dire », peut-être. Tout un chacun peut commencer un roman ou une lettre avec une phrase similaire.


Vingt-quatre heures de la vie d’une femme
« Cette nouvelle dont Gorki a pu dire qu’il lui semblait n’avoir rien lu d’aussi profond » (signé A. H. Préface à l’œuvre) Ici aussi, le héros est l’étranger, ainsi toujours nommé par Zweig dans tous ses récits.
Cet étranger n’a pas de nom, ici comme ailleurs, il est toujours sans identité.

Les héros de Zweig subissent l’oppression (jeu du hasard, prostitution, adultère...) dans une ville étrangère, ils rencontrent des étrangers... Ils sont sans identité.
Dans cette nouvelle de Zweig, Vingt quatre heures de la vie d’une femme, l’étranger est un joueur de casino. Au début de l’ouvrage, l’auteur raconte l’histoire d’une femme, Henriette, qui voit sa vie basculer en vingt quatre heures. En effet, cette dernière a un coup de foudre pour un bel inconnu. Ce sentiment de folie soudaine l’empêche d’être maîtresse d’elle-même. En effet, elle suit cet étranger laissant derrière elle un époux éploré et deux fillettes hébétées qui ont perdu leur maman.

Alors que le lecteur s’attend à trouver dans les pages suivantes la suite de l’histoire, c’est alors un autre récit qui apparaît supplantant l’autre, le récit dans le récit.
Tout comme dans L’Etranger d’Albert Camus.
Alors que le lecteur s’attend au procès de l’assassin de l’Arabe, c’est alors le procès du fils indigne. L’affaire d’Henriette est vite oubliée et c’est alors le secret d’une vieille dame anglaise qui intéresse le narrateur. Cette Anglaise, veuve à quarante-deux ans et riche, est en vacances sur la croisette. Au casino, elle est fascinée par un jeune joueur. Mais c’est davantage l’expression changeante qui se dégage du visage du joueur en fonction de la victoire ou de l’échec qui laisse la femme figée à le regarder. Le jeune homme laisse sa fortune sur le tapis vert. Il sort du casino dans un état lamentable, l’Anglaise qui n’avait plus le contrôle sur elle-même le suit, prise dans un tourbillon de folie, sa vie va virer de bord en vingt-quatre heures à cause d’un étranger.
N’est-ce pas à cause d’un étranger que Meursault voit sa vie basculer en vingt-quatre heures ?
Il ne connaissait pas l’Arabe, il ne l’avait jamais vu auparavant, il ne l’avait pas menacé personnellement et pourtant c’est lui qui fera feu à la place de son ami Raymond que l’affaire pourtant concernait de près, l’Arabe étant le frère de sa maîtresse.

C’est dans Vingt-quatre heures de la vie d’une femme (p. 62 à 63) que Zweig raconte l’histoire d’une femme qui se jette d’un pont. Camus la racontera exactement de la même manière dans La chute. Par ailleurs, l’Anglaise est dans le même état d’âme que celui de Meursault après l’assassinat de l’Arabe lorsqu’il prend conscience que tout s’effondre autour de lui.
L’Anglaise se rend compte que tout s’effondre autour du joueur, en perdant au jeu, il perd aussi son honneur. Il perd son âme. Malgré tout ce qu’elle fera pour l’aider et le sauver de sa passion du jeu, le jeune homme revient vers le tapis vert. Rappelons que le vert est l’espoir pour Meursault qui s’interroge dans sa cellule.
A ce niveau, rappelons aussi qu’une partie des chiffres de L’étranger est relative au jeu du casino. Plus tard, l’Anglaise apprendra que le jeune homme s’est suicidé. Elle restera impassible à l’annonce de la nouvelle, aussi froide et indifférente que le furent les personnages des autres nouvelles de Zweig et aussi froid et indifférent que le fut Meursault devant le cercueil de sa mère.

Comme nous venons de le constater, il y a emprunt, mais pourquoi Camus en est-il arrivé là ? Camus n’était pas, bien sûr, à court d’inspiration, la preuve en est. Car pour imaginer une histoire comme celle de Meursault, il ne faut pas seulement avoir des idées et de la suite dans les idées. Cette construction diabolique n’a pu germer que dans l’esprit d’un génie, un homme hors catégorie ! Il n’y a ici aucune philosophie de l’absurde, ce roman hors normes est une construction, mais est-il une création ?
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Vieux 13/06/2011, 21h41
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L’Etranger : une construction
Il est intéressant de revenir sur le voyage de Camus à Rio et sur l’analyse qu’en fait F. Baterfeld dans Les Lettres modernes (archives A.C n° 7 ; 1995) et qui précise que « Camus est mal en point, presque tout le long du voyage. Il semble moins s’intéresser au monde qui l’entoure. Impatience. Mauvaise humeur. Sévérité à l’égard d’une ville charmante, mais ce qui surprend davantage ce sont ces ‘’cinq fleuves’’ que ne possède nullement Porto Alegré ».
« La lumière est très belle. La ville laide. Malgré ses cinq fleuves. Ces îlots de civilisation sont souvent hideux » Écrit Camus dans son journal. Emporté par la mauvaise humeur, Camus se serait-il laissé aller à des notations sans fondement nourries par une humeur dépressives ?
En effet, pas de cinq fleuves, mais cinq nouvelles de Stefan Zweig qui est enterré à Petropolis, à 80 km de Rio et où a été enterré la mère de Meursault ? A Marengo, à 80 km d’Alger.
Et lorsque l’on sait que l’on dénomme fleuve, un long récit, en écrivant Cinq fleuves, Camus ne pouvait faire référence qu’à cinq œuvres de Stefan Zweig, Le joueur d’échecs y compris.

A penser que nous avons été assez convaincants pour l’emprunt concernant les nouvelles publiées avant 1942, comment convaincre pour celle qui le fut à titre posthume ? Rappelons que l’œuvre de Zweig était brûlée par les nazis et qu’il était interdit d’écriture. Que fait un écrivain dont l’œuvre est menacée d’extermination ? Et bien, il semblerait plus normal et plus juste qu’il cherchât à la protéger.

D’où les questions qui suivent : Stefan Zweig aurait-il confié son œuvre pour protection à Albert Camus (directement ou par intermédiaire) ? Si cette question est posée, c’est à bon escient. En effet, les deux écrivains se trouvaient à Paris au même moment, soit en avril 1940. Zweig invité à faire une conférence sur La Vienne d’hier, avant de prendre définitivement la route de l’exil. Camus était venu rejoindre son ami Pascal Pia d’Alger républicain qui fonda Paris Soir et avec lequel il travailla quelque trois mois, puis retourna très vite à Alger du fait que Paris ne tarda pas à être sous occupation allemande.

Disons qu’en avril 1940, les Allemands étaient déjà stationnés à Chartres. D’où ces deux questions qui découlent de source : Est-ce qu’une conférence sur La Vienne d’hier méritait que Zweig en face le détour par Paris au risque de sa vie ? Et Albert Camus avait-il vraiment besoin de venir travailler à Paris Soir, alors que les écrivains français fuyaient pour la plupart vers l’Amérique du Nord ou du Sud ? Cela veut autrement dire que Camus et Zweig avaient probablement un rendez-vous top secret à Paris en avril 1940, au sujet duquel Zweig méritait qu’il risquât sa vie : protéger son œuvre.

Cela veut-il dire que Camus, à son retour en Algérie, avait dans ses bagages l’œuvre de Stefan Zweig ? Celle publiée nous intéresse peu, car il est fort probable que Camus était lecteur de Zweig. Il ne pouvait pas être passé à côté d’une œuvre aussi saisissante. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir si Camus avait dans ses bagages Le joueur d’échecs et pourquoi il a utilisé l’œuvre de Zweig pour la construction de L’Etranger ?

Dès la publication de L’Etranger, Camus avait dit à son ami et maître, Jean Grenier, que L’Etranger est une construction. Et déjà au printemps 1940 plus précisément, il lui écrit une lettre dont la teneur est significative « ...Il y a longtemps que je voulais entamer une certaine œuvre, allongée sur beaucoup d’années et figurée sous plusieurs formes. J’attendais pour cela d’être sûr de moi et de mes moyens. Aujourd’hui, ce n’est peut-être pas cela, mais cela en approche, à tort ou à raison. »

Est-ce que Camus a mis davantage son ami dans la confidence ? Nous ne pouvons répondre à cette question, mais ce qui est sûr, c’est que notre démonstration apporte la preuve que L’Etranger est bien une construction sur la base de quatre œuvres de Stefan Zweig (Amok ou le fou de Malaisie, Ruelle au clair de lune, Lettre d’une inconnue et Vingt-quatre heures de la vie d’une femme), la cinquième Le joueur d’échecs reste dans le doute.

Et ce qui est étonnant, c’est qu’aucun camusien n’ait jugé utile de s’attarder sur cet aveu de Camus, alors que ses paroles et ses écrits ont été passés au crible.
Est-ce voulu, ou bien, est-on vraiment passé devant l’essentiel depuis plus de 60 ans ?

Que L’Etranger soit une construction sur la base de quatre (ou cinq) œuvres de Stefan Zweig plus l’histoire de Meursault qui est une création de Camus, est à notre humble avis, tout à l’honneur d’Albert Camus, dans le sens où son humanisme débordant et son courage qui force l’admiration, ont fait de lui un protecteur d’une œuvre dont les nazis menaçaient de mort quiconque l’aurait en sa possession.
Il fallait une « tête brûlée » du genre Albert Camus pour accepter. Quant à son utilisation, nous avançons l’hypothèse selon laquelle Camus n’était armé que du besoin en tant que leader d’opinion et conforme à ses idéaux, de véhiculer à travers sa propre œuvre une œuvre condamnée à l’extermination. Il s’agissait de la faire perdurer au nez et à la barbe des nazis.

Mais dans tout cela, Albert Camus avait perdu de vue l’imprévisible qui a tout gâché. Albert Camus a été pris au piège du succès inattendu de L’Etranger, et de ce fait, il ne pouvait plus parler. Le prix Nobel a enfoncé le clou. La fameuse dispute, qui a fait date entre Albert Camus et Sartre avait-elle vraiment pour seule origine les camps staliniens et l’indépendance de l’Algérie, ou bien le regard perspicace de Sartre qui n’avait pas cessé de scruter L’Etranger, ne voulant pas s’avouer vaincu, quant à son énigme ; avait-il fini par y détecter la marque talentueuse d’un certain Stefan Zweig ?

Ce Stefan Zweig qui se suicida sûrement, non pas à cause de la guerre qui lui était insupportable, mais du fait de savoir son œuvre dans un pays lointain, entre les mains d’un homme qu’il ne connaissait que par oui-dire, convaincu qu’elle était perdue à jamais, l’exil aidant à sombrer dans la dépression.

Voilà pourquoi le malaise grandissant de l’un et le suicide de l’autre n’ont qu’une seule et même cause : l’œuvre de Stefan Zweig confiée pour protection. On pourrait penser que le chercheur est arrivé au bout de sa peine. Assurément non, car la recherche a cela de particulier, c’est un engrenage sans fin.

Voilà que nous découvrons que Camus, âgé alors de 24 ans, se trouvait en Autriche l’été 1937, exactement à Salzburg, la ville où vivait Zweig... Pas question de remonter la filière. A chaque jour suffit sa peine ! Le malaise d’Albert Camus est élucidé, le mystère de L’Etranger enfin levé.

Mais une question taraude l’esprit : est-ce qu’un écrivain dont l’œuvre est menacée d’extermination et afin de la protéger, la confierait à une seule personne au risque qu’elle se perdrait ?
Pour nous, il devenait certain que l’œuvre de Stefan Zweig confiée pour protection a été plus que dédoublée et de ce fait confiée à plusieurs personnes. En d’autres termes, l’œuvre de Stefan Zweig a été dispatchée à travers le monde. L’Algérie n’étant qu’une contrée parmi d’autres. Dès lors, nous savions Albert Camus derrière nous et Stefan Zweig désormais l’objet de nos préoccupations.


Leila Benmasour
El Watan
23 et 24 avril 2006
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