Sahel  
ur-t laq ara tatut; tajmilt i Muḥya akw d ǧaεuṭ Taher.... que la terre leur soit légère

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  #1  
Vieux 13/06/2011, 10h28
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Par défaut Jean El Mouhoub Amrouche

Je parle ici, non pas en homme de la rue, mais en homme qui se trouve moralement à la rue. Je veux dire que je ne représente rien. Je ne peux représenter la France et la culture française : on m'en contesterait le droit, et on l'a déjà fait. Je ne peux pas représenter non plus l'Algérie : on m'en contesterait le droit, et on l'a déjà fait, et ceux qui l'ont fait sont des hommes de gauche, et même d'extrême gauche, qui m'ont dit que je n'avais pas le droit de parler des choses de la France, parce que je n'étais qu'un Algérien, mais que je n'avais pas le droit de parler des choses de l'Algérie, et au nom des Algériens puisque je suis un Algérien francisé, le plus francisé des Algériens.

J. Amrouche
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  #2  
Vieux 13/06/2011, 10h28
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Ma jeunesse éclatera sur le monde des ombres
Et tous les coeurs éteints
Ranimés par mon cri
Sous la violence d'un amour de feu
S'ouvriront au soleil
Et par la Terre humaine, à flots
Roulera
le sang vermeil du Grand Amour.


J. Amrouche
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  #3  
Vieux 13/06/2011, 10h28
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Tout meurt
Tout se dissout
Pour que naisse la Vie
Toute image de nous est image de mort
Mais aussi toute mort est un gage de Vie.

Jean Amrouche
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  #4  
Vieux 17/04/2012, 23h21
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Pour une ombre morte



Maintenant que tu n'es plus, en vérité, je peux parler.

J'aimais ton visage de chair, avec son innocence lumineuse, et
cette angoisse, au fond des yeux.
J'aimais ta voix ; - tes silences ; - et la pudeur qui rougissait
tes joues quand les effleuraient mon désir.
Voici que tu es mort, que ton ombre même est morte, et il n'est
plus de mensonge possible.

Toi vivant, je voulais à cause de mon amour, être l'image de ton
désir, et la réponse, unique, à ton angoisse.
Dans la crainte de me montrer nu, je me tenais devant toi, paré
comme un acteur.
Tu es mort. Mon amour repose.
Autour de moi, les masques jonchent la terre.

Seul, je poursuis la partie que tu as gagnée - ou perdue ? - parce
que tu m'as laissé ta lumière.
Comme je l'ai gardée en moi, je veux que d'autres la connaissent.
Je veux te chanter, pour que ta gloire dont seul je fus témoin, déferle
en toutes les âmes, et que chacun soit, de ta vérité, le tabernacle.


Jean Amrouche
Né le 6 février 1906
Décédé le 16 avril 1962
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  #5  
Vieux 17/04/2012, 23h25
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J'ai dit ma peine à qui n'a pas souffert
et il s'est ri de moi.
J'ai dit ma peine à qui a souffert
et il s'est penché vers moi.
Ses larmes ont coulé avant mes larmes.
Il avait le coeur blessé.

Mes pleurs coulaient parmi vos rires :
Ma blessure saignait en moi seul.
Ma maison est pour moi une bête féroce,
Et sans repos j'erre par les routes.
Je t'en prie, ô maître des cieux,
Aplanis les chemins sous mes pas.

J'ai versé tant de larmes et vous n'avez pas pleuré...
J'ai compris : je vous suis étranger.
J'ai plongé dans la mer à la nage:
Le vent du nord s'avançait vers moi,
Le brouillard engloutit les rochers...
Ô, si vous avez des yeux,
Que vos yeux s'emplissent de larmes !



Jean Amrouche
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  #6  
Vieux 17/04/2012, 23h26
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Pauvre affamé nu il est riche malgré tout de son nom
d’une patrie terrestre sans domaine
et d’un trésor de fables et d’images que la langue
des aïeux porte en son flux comme un fleuve porte
la vie...

J. Amrouche
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  #7  
Vieux 17/04/2012, 23h30
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Nous voulons la patrie de nos pères
la langue de nos aïeux
la mélodie de nos songes et de nos chants
sur nos berceaux et sur nos tombes...

J. Amrouche
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  #8  
Vieux 18/04/2012, 03h40
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LE COMBAT ALGÉRIEN

À l’homme le plus pauvre
à celui qui va demi-nu sous le soleil dans le vent la pluie ou la neige
à celui qui depuis sa naissance n’a jamais eu le ventre plein

On ne peut cependant ôter ni son nom
ni la chanson de sa langue natale
ni ses souvenirs ni ses rêves
On ne peut l’arracher à sa patrie ni lui arracher sa patrie.

Pauvre affamé nu il est riche malgré tout de son nom
d’une patrie terrestre son domaine et d’un trésor de fables et d’images
que la langue des aïeux porte en son flux comme un fleuve porte la vie.

Aux Algériens on a tout pris
la patrie avec le nom
le langage avec les divines sentences
de sagesse qui règlent la marche de l’homme depuis le berceau
jusqu’à la tombe
la terre avec les blés les sources avec les jardins
le pain de bouche et le pain de l’âme l’honneur
la grâce de vivre comme enfant de Dieu frère des hommes
sous le soleil dans le vent la pluie et la neige.

On a jeté les Algériens hors de toute patrie humaine on les a faits orphelins
on les a faits prisonniers d’un présent sans mémoire et sans avenir
les exilant parmi leurs tombes de la terre des ancêtres de leur histoire de leur langage et de la liberté.

Ainsi
réduits à merci
courbés dans la cendre sous le gant du maître colonial
il semblait à ce dernier que son destin allait s’accomplir
que l’Algérien en avait oublié son nom son langage
et l’antique souche humaine qui reverdissait libre sous le soleil dans le vent la pluie et la neige en lui.

Mais on peut affamer les corps
on peut battre les volontés
mater la fierté la plus dure sur l’enclume du mépris
On ne peut assécher les sources profondes où l’âme orpheline par mille radicelles invisibles suce le lait de la liberté.

On avait prononcé les plus hautes paroles de fraternité on avait fait les plus saintes promesses.
Algériens, disait-on, à défaut d’une patrie naturelle perdue
voici la patrie la plus belle la France
chevelue de forêts profondes hérissées de cheminées d’usines
lourde de gloire de travaux et de villes de sanctuaires
toute dorée de moissons immenses ondulant au vent de l’Histoire comme la mer
Algériens, disait-on, acceptez le plus royal des dons
ce langage
le plus doux le plus limpide et le plus juste vêtement de l’esprit.

Mais on leur a pris la patrie de leurs pères
on ne les a pas reçus à la table de la France
Longue fut l’épreuve du mensonge et de la promesse non tenue
d’une espérance inassouvie longue amère
trempée dans les sueurs de l’attente déçue dans l’enfer de la parole trahie dans le sang des révoltes écrasées comme vendanges d’hommes.

Alors vint une grande saison de l’histoire
portant dans ses flancs une cargaison d’enfants indomptés
qui parlèrent un nouveau langage et le tonnerre d’une fureur sacrée on ne nous trahira plus on ne nous mentira plus
on ne nous fera pas prendre des vessies peintes de bleu de blanc et de rouge pour les lanternes de la liberté

nous voulons habiter notre nom
vivre ou mourir sur notre terre mère
nous ne voulons pas d’une patrie marâtre
et des riches reliefs de ses festins.
Nous voulons la patrie de nos pères
la langue de nos pères
la mélodie de nos songes et de nos chants sur nos berceaux et sur nos tombes
Nous ne voulons plus errer en exil
dans le présent sans mémoire et sans avenir
Ici et maintenant
nous voulons
libres à jamais sous le soleil dans le vent
la pluie ou la neige notre patrie : l’Algérie.


Jean Amrouche
Paris, juin 1958
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