Discussion: Tajmilt i Tuveṛ
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Vieux 22/10/2017, 17h31
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Date d'inscription: octobre 2017
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Par défaut Tajmilt i Tuveṛ

L’encre d’octobre
Octobre. J’ai mouché le fiel de ton ciel dans ma mémoire.
Mois de mises en terre tous azimuts, je t’attends chaque année sur le quai des départs vers nulle part.
Ton soleil mortifère m’a brûlé la peau, les os, les yeux. En dedans.
Ton humeur sournoise, noire surtout, a fauché tour à tour père, mère et frère. Un appétit vorace.
Tu as creusé des tombes et des vides autour de moi. Fermé la parenthèse des temps noyés dans l’imparfait des efforts conjugués.
Me poussant à poser ma valise des souvenirs en noir et blanc. Toute honte bue, tu reviens sans vergogne exhumer ta palette couleur rouille de vies brisées, d’odeurs d’une enfance déguenillée sur les sentiers escarpés des terres ancestrales.

Des jeux bricolés pour meubler le temps qui prend tout son temps et sans plaisir à saisir nos rêves de devenir grands.
Torturer notre quotidien d’une famille nombreuse plus que composée comme il sied aux traditions de nos contrées profondes « kabylement » correctes : de nombreuses bouches à nourrir, des dents de lait aux carrément édentées, pour deux pauvres bras usés par les coups de pelle et de pioche.
Brave Vava ! La terre nourricière exige du laboureur, en plus de la sueur, l’abnégation, un sens du sacrifice sans limite, le non-être des pauvres.

Pauvre je me suis revue sur la photo jaunie aux côtés de ce cher frère disparu ; un chenapan aussi dépenaillé que futé toujours empêtré dans des querelles mille fois réprimées, rue des aliziers. C’est dire que tous les gens du faubourg à l’époque se couvraient davantage qu’ils ne s’habillaient.

Des propriétaires terriens qui tenaient tant à leurs oliveraies, leur plus grande richesse et fierté. Qui tiraient des plans sur la comète assis autour d’un feu de bois les soirs de grand froid, suprême réconfort. Leur vie de paysans résignés a coulé longtemps sous leurs pieds et leur mémoire de glaise façonnée a survécu aux coulées de verbes étrangers. Puis le temps a tout englouti. Les morts et les vivants dans la même tombe de l’oubli.

La page est bien tournée. C’est bien ça notre destinée.
Bien des années après, le cœur rapiécé sur le quai des douleurs passées et présentes, je ne t’attendrais plus octobre des âmes mortes.

nanak
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